Publié le 26/01/23 par Nicolas DUBOSCQ

Philippe Agostini : « C'est passionnant à cet âge-là parce que nous touchons du doigt le haut niveau de cette catégorie et nous voyons les progrès ! »

Philippe Agostini, l’entraineur de la NM3 laurentine, nous présente l’équipe des U15 F « Élite ». Une des équipes que l’OCB* a en commun avec le SLB. Rencontre avec un éducateur patient, très rigoureux et très exigeant, attaché à ses « demoiselles ».

* Olympique Carros Basketball

Photo de couverture : l'équipe U15 F « Élite France » accompagnée des coachs Loïc Brenaud et Philippe Agostini, respectivement à gauche et à droite de la photographie - (Crédit Photo : Olympique Carros Basketball)

Nous vous savions entraîneur des NM3 et vous êtes également entraîneur des U15 féminine « Élite France », pouvez-vous nous présenter cette équipe ?

C'est une équipe de jeunes filles qui évoluent au plus haut niveau de la catégorie U15 c'est à dire en championnat de France. Dernièrement, elles se sont qualifiées en finissant deuxième de la première phase pour intégrer le Groupe A, le plus haut niveau en France... Elles jouent tous les weekends contre les meilleures joueuses de France !

Est-ce que vous pouvez nous présenter le partenariat avec le Stade Laurentin Basket parce que vous nous avez dit que c'est une équipe commune à vos deux clubs ?

C'est cela ! Il y a déjà quelques années nous avez créé une CTC* qui s'appelle CBSL 06. Elle comprend Carros, Saint-Jeannet** et Saint Laurent du Var. Nos trois clubs ont plusieurs équipes en commun qui jouent en départemental, en régional jusqu'au championnat de France... Nous avons de tout dont en particulier cette équipe U15 F « Élite » qui évolue en Championnat de France. 

Cette dernière a la particularité d'avoir six joueuses inscrites au Pôle Espoir basé à Lorgues. Ces six filles y sont toute la semaine et s'entraînent deux fois par jour. C'est du haut niveau ! Elles sont même inscrites sur liste ministérielle comme sportives de haut niveau...

*Coopération Territoriale de Clubs / **Basket Club des Baous

L'équipe U15 F « Élite » lors du match contre Montpellier. Une rencontre programmée à la mi-octobre 2022 remportée par le CBSL06

Pouvez-vous nous en dire un petit peu plus par rapport à cette coopération entre ses trois clubs ? En d'autres termes, comment cette coopération se décline-t-elle concrètement et notamment pour cette équipe U15 ?

Cela se décline en partie dans le partage de licenciés. Cela concerne plus particulièrement les clubs de Carros et de Saint-Laurent-du-Var. Saint-Jeannet n'a pas de joueuses concernées là-dedans. Nous avons donc une partie des joueuses qui sont licenciées à Carros et l'autre partie qui est licenciée à Saint-Laurent-du-Var.

Sur les 10 licenciés de cette équipe, il y en a donc 6 qui sont inscrites à Lorgues, au Pôle Espoir, avec deux entraînements quotidiens et il y en a 4 qui s'entraînent avec nos U18 PACA, que nous avons aussi en commun, et également avec moi les mercredis et les vendredis. 

Le mercredi nous allons à Lorgues nous entraîner au Pôle Espoir et le vendredi, c'est le Pôle Espoir qui vient s'entraîner avec nous. C'est-à-dire que les 6 filles inscrites là-bas nous rejoignent et font un entraînement en plus...

Quelles différences existent-t-il entre le coaching d'adultes et celui d'enfants ?

Alors, pour les adultes par exemple pour les NM3 nous sommes purement dans du management. Du moins, nous sommes à 80 % dans du management et nous sommes également dans la gestion de groupe. Nous n'avons pas le temps de nous pencher sur des problématiques de technique individuelle etc. Chez les seniors, nous sommes vraiment sur une base de collectif et aussi sur une base de résultats.

Alors que chez des jeunes filles comme cela, nous sommes vraiment dans de la formation. Au pôle, elles apprennent et répètent tous les jours des mouvements techniques, le plus important nous allons dire ! Et avec nous lors des entraînements du mercredi et du vendredi, elles vont travailler plus sur le collectif tout en prenant en compte leurs apprentissages. C'est-à-dire que nous allons être sur des prérequis pré-collectifs pour ensuite arriver à un minimum de collectif élaboré pour jouer le dimanche en championnat de France. Voilà ce qui fait la différence...

L'équipe U15 F « Élite » après leur victoire contre la Tronche Meylan. Une victoire  qui leur a assuré la montée en poule haute avant même la dernière rencontre. Il s'agit de la 4e accession consécutive pour cette CTC CBSL 06.

Il y aussi a une autre différence dans le fait que nous faisons preuve de plus de patience avec les filles. Nous savons que l'objectif est à long terme et pas à court terme...

En résumé, gagner ou perdre le match ce n'est pas vraiment important ... C'est important pour les enfants, pour les parents, pour les spectateurs et pour le club parce que cela fait plaisir mais pour nous en tant qu'éducateur notre boulot et d'insister sur ce qui a et qui n'a pas fonctionné durant le match : « pourquoi nous avons perdu ? », « quelles sont nos forces ? », « quels sont nos faiblesses et celles de l'adversaire ? », « comment pour pouvoir contrecarrer tout cela ? »...

Mon travail est de leur faire comprendre le jeu ! Pour cela, lors des briefings et des débriefings je leur pose souvent des questions... Je leur pose des questions et ce sont elles qui doivent me répondre. De cette manière, je les aiguille... Je suis beaucoup moins directif qu'avec la NM3. Avec la NM3, je dis « on fait ça » et « on fait cela », c'est moi qui décide où le groupe parce que nous avons décidé ensemble ! Par contre avec les « gamines » nous faisons ce que nous avons appris à l'entraînement, ce que nous avons appris lors du match précédent... Nous étudions, nous regardons et nous nous reposons des questions : « est-ce que les gamines ont compris que nous devons progresser sur tel ou tel domaine ? », « qu'est-ce que nous devons faire pour battre cet adversaire ? »...

Quelles sont les spécificités de cette tranche d'âge, les U15 ?

Oh, de grosses spécificités ! Alors un, le positif... Aussi bien chez les garçons que chez les filles, ce sont tout d'abord des « éponges ». Ils emmagasinent un maximum de choses, ils progressent à « vitesse grand V ». J'ai le cas d'une petite qui est arrivé l'année dernière en ne connaissant rien au basket et à Noël, elle participait au « Tournoi des Demoiselles » à Bourges qui est un tournoi avec l'équipe de France U15. En un an, elle a réussi à jouer avec l'équipe de France U15... En un an ! Bien sûr, pas tout le monde a ce genre de progression mais c'est le genre de profil que nous pouvons rencontrer avec cette tranche d'âge.

Une autre spécificité c'est le fait qu'à cet âge ils sont en pleine croissance. Cela sous-entend qu'il y a énormément de blessures... Il faut donc faire très attention sur la qualité de nos entraînements, sur ce que nous proposons. Il faut être également attentif concernant la réathlétisation après une blessure. Il faut être très patient... Très patient tout en étant très rigoureux et très exigeant ! C'est le haut niveau ! Très souvent je leur dis que ce qui sépare le basket lambda et le haut niveau c'est le fait d'être pointu sur les détails, d'être rigoureux et de mettre de l'intensité. Ce sont trois mots que je leur répète tout le temps et qu'elles se répètent tout le temps...

C'est passionnant ! C'est passionnant à cet âge-là parce que nous touchons du doigt le haut niveau de cette catégorie et nous voyons les progrès ! Ou pas ! Et oui des fois, il y en a qui ne progressent pas du tout...

Je prends souvent l'exemple du pop-corn car « quand vous faites chauffer du pop-corn, il n'y a jamais un grain de maïs qui pète en même temps... Eh bien, il n'y a pas tout le monde qui fait « pop » en même temps ! ». Il y en a qui font « pop » très tôt et ceux-là je ne les prends pas en Pôle Espoir parce qu'ils ont déjà fait « pop ». Ou alors, il y en a qui font « pop » plus tard comme la jeune fille que j'ai évoquée précédemment... Et du coup, c'est un potentiel sur lequel nous allons nous attarder parce qu'elle a grandi de 15 cm en 2 ans, qu'elle a progressé... Et elle débutait ! Quand vous avez cette progression en l'espace d'un an, il se peut que plus tard nous arrivons à quelque chose de bien...

À travers nos échanges, nous vous imaginons assez « bonhomme » houspillant vos gars avec une verve sympathique et fleurie... Quels ressorts utilisez-vous pour vous faire entendre d'une tranche d'âge connue pour sa sensibilité et sa susceptibilité ? En clair, comment faites-vous pour ne pas les braquer car nous imaginons que vous y allez « direct » avec elles ?

Non, je n'ai les braque pas du tout ! Tout d'abord, j'ai la chance d'être relativement âgé maintenant et donc il y a une relation un peu « papa / petite fille » qui se crée... Je suis un petit peu le « second papa ». Il y a donc beaucoup de respect de leur part, je n'ai pas besoin de crier... Alors, cela m'arrive de me mettre en colère comme samedi où nous avons perdu de deux points à la dernière seconde alors que nous avions le match en main. Ce match, elles le perdent toutes seules ! Là, je me suis mis en colère... Parfois cela porte ses fruits ! Mais derrière, c'est toujours constructif ! Parce que derrière, il y a « explication », il y a beaucoup d'entretiens individuels, beaucoup de discussions en tête-à-tête... « Rassurer », « encourager » parce que les « gamines », c'est très émotif ! Cette année, j'ai un groupe de filles qui sont très émotives. Il faut donc que je gère les émotions et samedi elles étaient dans l'émotion. Et c'est pour cela que nous perdons le match ! Je me comporte plus comme un « bon père de famille » que comme un « Père Fouettard » ...

Quels sont les objectifs pour cette saison ?

Déjà, nous avons réussi à en réaliser un lors de la première phase de la saison ! Nous pensions que nous étions un peu faibles sur certains postes... Et résultats, nous finissons deuxième de la première phase ! Ce qui nous permet d'être dans le groupe A* qui est vraiment le plus haut niveau ! Ce qui est déjà une belle surprise !

Maintenant, nous retrouvons dans ce groupe A avec des clubs comme Roanne, Villeurbanne, Martigues qui sont vraiment les trois gros favoris pour aller chercher le titre de champion de France ! Villeurbanne et Roanne, ce sera imbattable ! Mais, nous nous servirons de ces matchs là pour apprendre... Et notre objectif, c'est d'accrocher pourquoi pas la 4e ou la 5e place. Nous voulons éviter la 6e ! Si nous arrivons à attraper la quatrième, cela sera formidable et si nous finissons 5e... Ce sera la 5e ! La 4e, ce serait formidable ! Mais bon hélas, nous avons fait un faux pas contre Charnay - Mâcon qui est une équipe qui va lutter avec nous pour cette quatrième place...

*les 3 premières équipes des 6 en lice intègrent le groupe A tandis que les 3 dernières le groupe B

L'équipe U15 F « Elite » après leur victoire contre Saulce à l'occasion de leur premier match de la 2e phase dans le groupe A

Bon, vous préférez être éducateur ou entraîneur ?

Franchement, j'aime les deux ! L'avantage, c'est quand je suis déçu avec la NM3 derrière je me rattrape avec les filles et du coup cela me fait passer un bon weekend ! Le plus « emmerdant », c'est quand j'ai 100 % de défaite... Là c'est « emmerdant » ! ( Rires ) Cela ne m'est pas souvent arrivé mais cela arrivera certainement ! Et il faut que je m'y prépare ! C'est comme ça ! Pour revenir à la question, c'est complètement différent !

Est-ce que le fait d'être entraineur alimente votre côté éducateur et vice-versa ?

Oui... Alors, l'avantage quand nous entraînons ces catégories-là c'est que nous nous sentons vraiment entraîneurs, nous nous sentons vraiment éducateurs sportifs avec toutes les valeurs ! Tandis qu'avec les senior, qui sont déjà des « garçons » avec leur caractère, leur vécu et leur expérience, etc., le plus gros du boulot c'est de faire un groupe et d'en tirer la quintessence...

Avec les U15, là, je construis des jeunes filles ! Je ne construis pas simplement des joueuses de basket, je construis de futures femmes avec des valeurs... Nous essayons avec mon assistant Loïc Brenaud de vraiment faire passer en outre des valeurs sportives, celles du haut niveau, à savoir le sommeil, l'alimentation, prendre soin de son corps, les relations avec les autres, etc..., de belles valeurs parce que le sport de compétition et le sport collectif véhiculent vraiment des valeurs extraordinaires !

À chaque fois qu'il y a quelque chose qui ne va pas, je dis aux filles de relever la tête en leur indiquant que « vous faites le plus beau sport du monde, vous vivez des choses que les trois quarts des Français ne vivront jamais et vous vous enrichissez chaque weekend ! Chaque weekend, vous vous enrichissez de nouvelles connaissances, de nouvelles personnes, de nouvelles aventures et en plus vous voyagez ! Que demande le peuple ! »