Après une carrière dans la restauration, c’est en 2002 qu’il décide de prendre une année sabbatique à la suite d'une discussion avec un de ses clients, qui n’était autre que le président de la Fédération Française de Tennis de l’époque. A la recherche d’arbitres, ce dernier lui présente le rôle d’officiel de la compétition et c’est à 36 ans que Pierre se lance pleinement dans l’arbitrage.
Profil complètement atypique (on lui avait dit qu’il était trop vieux pour aller au plus haut) et malgré les épreuves, Pierre réussi à gravir tous les échelons nationaux avant de devenir arbitre international en 2009. Et après une progression linéaire, c’est en 2015 qu’il rejoint le club fermé des 30 arbitres de tennis les plus hauts gradés du monde.
Indisponible pour la conférence « Saint-Laurent-du-Var au cœur du jeu » de ce jeudi 21 octobre en raison de son calendrier de tournoi, nous avons tout de même pu échanger sur quelques thématiques en lien avec celle-ci. Extraits.
Quelles sont les qualités requises pour être un arbitre ?
La maîtrise des émotions, la communication, l’écoute sont des qualités essentielles pour un bon arbitre. Il faut savoir écouter le joueur avant de lui parler, afin de lui apporter la bonne réponse à sa question. Cela parait simple mais c’est pourtant une clé fondamentale dans la communication.
L’image donnée aux joueurs est elle aussi importante, nous ne devons pas montrer notre stress et ne pas montrer de réaction à un cas, à une remarque, à un fait de jeu. Enfin, c’est aussi la rapidité d’analyse d’une situation (par exemple si on rejoue le point à la suite d'une inspection de trace après une annonce de l’arbitre), la capacité à avoir une vue générale du point en une seconde.
Quel est le plus dur dans votre rôle ?
Les temps d’attentes avant chaque match sont compliqués. Parce que vous ne savez jamais quand vous allez partir sur votre match (sauf si vous êtes le premier match de la journée) et vous ne savez jamais quand vous allez revenir. Vous devez constamment être prêt, suivre l’évolution des scores, gérer vos moments de repas, vos moments de repos afin de perdre le moins d’influx nerveux possible.
Quand je suis sur le terrain, il n’y a rien de dur, mais notre mission la moins facile est de faire accepter à un joueur une décision qui est contre lui. Il ne va pas toujours être d’accord mais notre rôle est de prendre la décision juste, et c’est ce que le joueur doit ressentir tôt ou tard dans le match même si, je le répète, quelques fois le joueur ne va pas du tout accepter notre décision. A nous de rester droit.
La thématique des Journées Nationales de l’Arbitrage 2021 est la proximité, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Nous sommes partie intégrante du match mais, d’un point de vue purement physique, nous ne sommes pas dans la proximité, contrairement au football, au rugby, au basket, où les officiels sont au cœur de l’action. Cela s’explique bien entendu par notre position, sur une chaise, et c’est ce qui fait notre spécificité même si, quelques fois, les joueurs s’approchent de notre outil pour échanger entre deux points ou bien lors d’un changement de côté.
Il nous arrive cependant sur les inspections de trace de descendre et là, d’être au plus près des joueurs. C’est à ce moment où nous allons expliquer notre décision au joueur, qu'elle soit en sa faveur ou non. Par cette procédure, nous allons nous mettre au même niveau que lui pour être dans cette proximité, pour être à l’écoute et dans l’échange.
Lors de notre conférence, sera abordée la question de la prise de décision, élément central de l’arbitrage…
La décision doit être prise rapidement, quasi immédiatement vu la rapidité du tennis actuel, et surtout avec toutes les données nécessaires pour la prendre. Cela vient avec l’expérience, quand on a déjà vécu ou vu une situation gérée par un autre arbitre. Après, il y aura toujours de nouvelles situations auxquelles il faudra s’adapter et trouver une solution, mais pour tous les matchs que j’ai pu faire ou bien observés en allant regarder mes collègues officier, cela me permet de prendre facilement une décision dans l’instant.
Aussi, quand on prend une décision, je ne pense jamais aux conséquences que celle-ci va avoir, je reste concentré sur l’instant et je ne suis pas dans la réflexion sur l’impact que va avoir ma décision, comme lors de la dernière demi-finale dames de Roland Garros où je fais une inspection de trace sur la balle de match, pensant la balle faute. Krejcikova croit avoir gagné et célèbre sa qualification, au final la balle est bonne et je fais rejouer le point.
Ce jeudi nous évoquerons aussi de la maîtrise de soi, qui a dû être importante dans cette situation…
Pour moi, c’est dans le caractère, ce n’est pas quelque chose que j’ai travaillé. Certains arbitres ont cette faculté à avoir un « poker face » tout au long du match, d’autre parviendrons un peu moins à dissimuler leur tension, leur appréhension… Quoi qu’il en soit, cette maîtrise de ses émotions et de ce qu’on laisse paraitre est essentielle car, s’ils sentent une faille, certains joueurs vont s’y engouffrer et essayer d’en jouer, d’autres n’auront pas confiance en vous et la communication ne sera pas optimale. D’autres encore cependant restent imperméables à ce genre de données et sont dans leur bulle du début à la fin.
Dernière thématique de notre conférence, l’évolution de la technologie dans le sport et son impact sur l’arbitrage…
Avec l’arbitrage vidéo comme le Hawk-Eye, je pense que rien n’a changé dans mon arbitrage, je suis là pour prendre des décisions, quitte à parfois me tromper. D’ailleurs, les joueurs préfèrent un arbitre qui va agir plutôt qu’un arbitre qui ne prendra aucune décision et ne se « mouillera » pas. Je n’utilise pas la vidéo dans un but de préparation de mes matchs avant d’aller sur le terrain, afin de ne pas avoir d’apriori sur les joueurs que je vais avoir sur le terrain.
Cependant, avec mes collègues de la WTA, et c’en est de même à l’ATP (instance de gestion du tennis masculin) ou bien à l’ITF (International Tennis Fédération), nous utilisons la vidéo pour analyser les situations passées, pour en discuter entre nous et progresser. C’est un outil de travail et d’amélioration.
Dernière question, quels sont tes meilleurs souvenirs d’arbitre ?
Le premier, c’est vraiment les Jeux Paralympiques de Pékin, en 2008. C’était une superbe expérience par le fait d’être au village avec tous les athlètes, par le fait d’être tous réunis et de voir les autres disciplines. J’ai aussi quelques matchs qui me viennent à l’esprit comme le Federer-Wawrinka en ¼ de finale de Roland Garros 2019 ou bien encore le Clijsters-Muguruza en 2020 à Dubaï, qui était symbolique pour la belge car elle signait son retour après une retraite de 7 ans.